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UNE HISTOIRE DU LIVRE D'ARTISTE AUSTRALIEN
du 10 décembre 2015 au 3 mars 2016 (vernissage le jeudi 10 décembre à 18h)

Organisée en partenariat avec la Grahame Gallery de Brisbane.



FEATURING
:

MARINA ABRAMOVI . IAN BURN . ROBERT COONEY . JAN DAVIS . DALE FRANKS . NOREEN GRAHAME . IAN HOWARD . ROBERT JACKS . MARIA KOZIC . PETER LYSSIOTIS .  ROBERT MACPHERSON . JENNIFER MARSHALL . MILAN MILOJEVIC . MEL RAMSDEN . ROBERT ROONEY . MICHAEL PHILLIPS . KEN SEARLE . ALEX SELENITSCH . NOEL SHERIDAN . JUDY WATSON


. Galerie de photos "Une histoire du livre d'artiste australien"

. Télécharger le carton d'invitation de l'exposition

. Télécharger le Journal du Cabinet du livre d'artiste n°38 au format PDF


UNE PETIT BOÎTE DE LIVRES

Une petite boîte de seulement neuf kilos porte à elle seule le poids de représenter l’histoire du livre d’artiste australien sur une période de quarante-quatre ans – de 1968 à 2012 – dans l’exposition « Une histoire du livre d’artiste australien » au Cabinet du livre d’artiste de l’université Rennes 2.

« Une histoire du livre d’artiste australien » est la deuxième exposition d’envergure consacrée aux livres d’artistes australiens à voyager à l’international. Le corpus de livres présentés provient de la collection du Centre for the Artist Book de Brisbane dont la sélection a été menée en collaboration avec Aurélie Noury des Éditions Incertain Sens, qui ont exprimé clairement leur préférence pour les livres conçus par l’artiste, en tirage non limité. Les livres uniques ou les livres illustrés à tirage limité n’ont pas été retenus. « Une histoire du livre d'artiste australien » ne présente donc pas un panorama de la production de livres australiens de ces quarante dernières années. Il s’agit plutôt d’essayer de montrer à un public international la façon dont certains artistes australiens ont abordé le genre. Près d’un tiers des livres de l’exposition appartient à la décennie que Steven Tonkin qualifie de « déterminante », à savoir : « les livres d’artistes australiens des années 1970 »(1).

Les années 1970 constituent un moment particulièrement fécond en Australie tant pour les arts et ses institutions que pour les livres d'artistes. Bruce Pollard a ouvert son anti-galerie, la Pinacotheca, à Melbourne en 1967. Dès 1969, son exposition « Ian Burn, Roger Cutforth, Mel Ramsden » incluait le Xerox Book de Burn (1968) et l’année suivante, la galerie publia War Savings Streets de Robert Rooney, visible dans la présente exposition.

Un autre éditeur précurseur en Australie fut Ted Hopkins avec la maison Champion Books de Melbourne, qui œuvra en faveur des premiers livres de Peter Lyssiotis. Un certain nombre d'institutions d'avant-garde ont aussi eu un impact déterminant sur le développement du livre d'artiste dans le pays. Trois d’entre-elles nous intéressent particulièrement : la Adelaide-based Experimental Art Foundation (2) (EAF) ouverte en 1974 avec, à sa tête, Noel Sheridan, l’Institute of Modern Art(IMA), sous la direction de John Buckley, lancée à Brisbane en 1975 et enfin, les galeries Ewing et George Patonde l’université de Melbourne qui ont fusionné en 1975. Rebaptisée l’Ewing and George Paton Galleries et dirigée par Kiffy Rubbo, l'institution a non seulement doublé en taille, mais s’est à partir de là engagée dans une programmation plus expérimentale.

Ces trois institutions, affichant des visions similaires, ont conjugué leurs ressources en 1978 pour « Artists’ Books/Bookworks (3) », une grande exposition de livres d’artistes australiens et étrangers. La sélection de livres provenait donc de trois sources. Y étaient présentés des livres d’artistes modestes, du mail art, des ephemera, des livres d’artistes à tirage unique et une section de livres australiens. L’IMA y montra notamment des ouvrages de l’exposition « Artworks/Bookworks » du Los Angeles Institute of Contemporary Art (LAICA), organisée par Judith Hoffberg et Joan Hugo en 1978. Exceptionnellement, des livres d’artistes faits à la main de la Franklin Furnace furent également acquis par l’Ewing and George Paton Galleries. Pour les livres de la troisième section, celle des « Livres d’artistes australiens », Noel Sheridan de l’EAF lança un appel aux artistes australiens à lui envoyer des livres. Plus de quarante répondirent à l’appel, provenant, selon le catalogue, de six zones géographiques en Australie. À la fin de l’exposition, la section  « Livres d’artistes australiens » voyagea aux États-Unis. Ce fut la première exposition d’envergure consacrée aux livres d’artistes australiens à être montrée à l’international. Cinq livres de cette section sont d’ailleurs présentés ici : A.O.U.L.I.T.S. de Robert Cooney, les livres au tampon de Robert Jacks, War Savings Streets de Robert Rooney, Little Books (10 X’s) de Ken Searle et Everyone Should Get Stones de Noel Sheridan.

Noel Sheridan, d’origine irlandaise, prit la direction de l'AEF en 1974. Il y insuffla, avec beaucoup d’enthousiasme et d’énergie, son intérêt pour l’art conceptuel, le mail art, l’installation ou la performance, en encourageant toute forme d’expérimentations. L’AEF fut la première institution en Australie à publier des livres d’artistes et à en constituer une collection. Le programme de publications de l’AEF a été initié dès 1976 avec le livre ESP de Tim Johnson sous-titré « Examples of 5 Spaces in 1 Place ». Cinq livres d’artistes de l’AEF sont inclus dans la présente exposition: Two Performances and Detour de Marina Abramovic, MSCCCPL Boarder de Dale Franks, Oxide Street de Marr Grounds, Little Books (10 X’s) de Ken Searle et Everyone Should Get Stones de Noel Sheridan.

L’ouvrage de 1983 The Bandaged Image: A study of Australian Artists’ Books (4) de Gary Catalano fut sans doute l’une des premières publications à s’intéresser spécifiquement aux livres d’artistes contemporains d’un pays. Dans le premier chapitre, Catalano s’attache à certains mouvements artistiques internationaux comme l’art conceptuel ou la poésie concrète, notamment dans leur approche du langage, et analyse les raisons qui ont amené certains artistes des arts visuels à se tourner vers la forme du livre. Parmi la quarantaine de livres d’artistes australiens examinés, il commente : « Bien que la plupart d’entre eux ne puissent être considérés comme des exemples de l’art conceptuel ou post-objectal, leur existence doit beaucoup à l’influence exercée de concert par ces mouvements. » Tous les livres australiens dont parle Catalano – hormis les trois livres de Peter Lyssiotis publiés au début des années 1980 par Champion Books et Skipping Rhymes de Robert Rooney en 1956 –  appartiennent à la « décennie déterminante » de Tonkin. Plusieurs d’entre eux sont montrés ici : War Savings Streets de Robert Rooney, ouvrage qui possède, selon certains commentateurs, une dimension satirique qui n’est pas étrangère à celle que Barry Humphries a pu faire des banlieues de Melbourne, rappelle Catalano, plusieurs des douze livres au tampon de Robert Jacks, A.O.U.L.I.T.S. de Robert Cooney ou encore Action Man Story de Ian Howard.

En 1987, près de dix ans après l’exposition « Artists’ Books/Bookworks », Kay Campbell et Katherine Moline ont été les commissaires de « IN PRINT. Vol. 1. Artists’ Books »(5), une exposition de livres d’artistes australiens et internationaux, présentée à la Power Gallery of Contemporary Art (6) de Sydney. Y étaient à la fois montrés ouvrages australiens et internationaux des années 1970. Dans son introduction, Campbell remarque : « Une grande partie de la production artistique de cette période a été négligée... Le défi, pour les années 1980 et au-delà, tient dans le fait de pouvoir montrer le travail des années 1970 sans en détruire l'objet ou l’esprit avec lequel il a été conçu.» La sélection de livres étrangers de Campbell et Moline était particulièrement ciblée, incluant des artistes comme Daniel Buren, Hanne Darboven, Sol LeWitt, Dieter Roth et Ed Ruscha. Les éditeurs de livres d’artistes étaient aussi représentés, comme par exemple les éditions Hansjörg Mayer pour l’Europe et Multiples Inc. ou Something Else Press pour les États-Unis. Quant à la sélection australienne, elle était plus large que celle de Noel Sheridan pour sa section de « Livres d’artistes australiens », ce qui n’est pas une surprise puisque Campbell et Moline avaient l’avantage d’un recul nécessaire sur cette « décennie déterminante ». Enfin, des livres des années 1980 étaient également présentés.

De son côté, la Grahame galleries + editions a monté des expositions de livres d’artistes internationaux et australiens en 1991 et 1993, et organisé cinq salons de livres et multiples (1994, 1996, 1998, 2001 et 2007). Ce furent les premières foires de livres d’artistes lancées en Australie. Celle de 1994 s’est ainsi tenue à la State Library de Queensland (SLQ) à Brisbane. La structure, sous l’appellation numero uno publications, a également publié des catalogues accompagnant chacune des foires sauf pour celle de 2007, disponible en version numérique sur le site de la galerie. Dès le début, des groupes d’artistes ou des artistes indépendants de toute affiliation ont été invités à donner un ou plusieurs livres aux départements d’art de l’université. À partir de là, la galerie a commencé à faire l’acquisition d’ouvrages internationaux auprès d’éditeurs et d’artistes et à montrer sa collection pour élargir l’offre.

Depuis le premier salon de 1994, plusieurs départements universitaires dédiés à l’édition ont intégré des livres d’artistes à leurs cours. Déjà, au milieu des années 1980, la Canberra School of Art (7), sous l’impulsion de son directeur d’origine allemande Udo Sellbach, avait instauré le Graphic Investigation Workshop (GIW). Une fois nommé à la tête de ce nouveau workshop, Petr Herel, d’origine tchèque, s’est engagé vers un enseignement expérimentant le texte et le livre et a initié un programme de publications.

En 2015, deux salons ont eu lieu, l’un en mai, à la National Gallery de Victoria, et l’autre en septembre à l’Artspace de Sydney. Ils témoignent bien de l’intérêt du pays pour ce genre.

Dans un article récent sur les collections publiques de livres d’artistes et l’activité de collection en Australie, Helen Cole (8) écrit : « De discrètes collections publiques de livres d’artistes en Australie ont une histoire relativement récente, tout comme la création et la documentation des livres d’artistes dans ce pays (9). »Cole dénombre quinze collections publiques de livres d’artistes classées suivant leur date de création (10). Sur l’ensemble, seulement deux furent créées dans les années 1970 : la collection EAF en 1975 et la collection internationale de la National Gallery of Australia (NGA) en 1972, dont la section de livres d’artistes australiens date de la fin des années 1970. Parmi les nouvelles collections commencées à partir des années 1980, cinq ont été initiées dans les années 1990 et quatre dans les années 2000. Les trois collections les plus importantes, c’est-à-dire disposant d’un fonds de plus de mille titres, sont la NGA, la SLQ et la State Library de Victoria (SLV). Sur les quinze collections citées, douze sont des bibliothèques. À ce sujet, Cole avance le raisonnement suivant : « Il semble y avoir un décalage entre les musées d’art et les livres d’artistes comme forme d’art. À l’exception de la National Gallery of Australia, qui possède une importante collection, les grandes galeries acquièrent seulement les ouvrages d’artistes nationaux en vogue ou internationaux (11). » Elle continue : « Dans la mesure où les bibliothèques d’état ont commencé à collectionner les livres d’artistes, les galeries leur ont très vite laissé ce rôle (12). »

Dans son article, Cole touche à la question délicate de la commercialisation, de la production et donc du prix : « Les artistes australiens doivent produire à la douzaine pour les institutions qui achètent activement (13). » Cela semble indiquer que les artistes ont rapidement appris à cibler les collections possédant des éditions limitées onéreuses, sur mesure pour les institutions. Le livre d’artiste à tirage limité a ainsi trouvé sa place à côté du livre plus modeste, au plus prix plus modeste. Mais le succès continu du livre d’artiste en Australie dépend de livres conservant leur intégrité. Avec beaucoup de transparence, Cole soulève ainsi la question des budgets au sein des institutions et des aléas des commissions d’acquisition qui peuvent voir les fonds alloués aux livres d’artistes détournés.

Au début de ce siècle, un événement important a insufflé une nouvelle vue d’ensemble de la production de livres d’artistes australiens. L’architecte, poète et artiste Alex Selenitsch, basé à Melbourne, a en effet reçu la bourse Gordon Darling pour mener une enquête sur les livres d’artistes australiens de la collection de la NGA. Suite au travail mené par Selenitsch, la NGA a publié en 2008 Australian Artists Books (14), résultat de ses investigations auprès de soixante-dix livres issus de collections de plus de mille ouvrages. Il s’agit seulement de la deuxième monographie éditée sur le sujet, après Bandaged Image: A study of Australian Artists’ Books de GaryCatalano, qui, publié en 1983, avait été écrit dans le tumulte de l’époque, au moment même où ces publications étaient produites. Vingt-cinq ans après, Selenitsch dépoussière l’histoire pour jeter un regard neuf sur ces livres des années 1970 et nous ouvrir au siècle nouveau.

Dans son enquête, Selenitsch s’attache à décrire soixante-dix livres d’artistes sur un mode architectural qui vient briser les catégories de la collection. En premier lieu, il identifie les différents types de livres, puis les styles et méthodes de production, et enfin, le sujet. L’enquête est divisée en deux parties de taille comparable : « Quatre approches du livre d’artiste » et « Une sélection de livres d’artistes ». La première partie est ciblée sur les livres de quatre artistes, Ian Burn, Robert Jacks (15), Bea Maddock et Mike Parr, dont les contributions au livre d’artiste en Australie sont anciennes et déterminantes.
La deuxième partie s’intéresse aux livres de seize artistes. Les livres de six de ces artistes sont montrés dans la présente exposition : Six Negatives de Ian Burn et Mel Ramsden, les livres au tampon de Robert Jacks, Things de Maria Kozic, Flick Book de Jennifer Marshall et Art Book de Martin Sharp.

Le livre d’artiste australien demeure encore presque inconnu en dehors de l’Australie. La sélection de quarante-huit livres par vingt-huit artistes présentés dans cette exposition au CLA offre la possibilité de les extraire de ce down under (16) et de les porter, enfin, à l’attention d’une audience internationale.
Je tiens à adresser mes remerciements à Aurélie Noury et au Cabinet du livre d’artiste pour leur invitation à présenteren France ce qui peut aujourd’hui constituer : « Une histoire du livre d’artiste australien ».

Noreen Grahame
Octobre 2015

1. Steven Tonkin, “A defining decade: Australian artists’ books in the 1970s”, in D. Cowley, R. Heather et A. Welch (eds), « Creating and Collecting: Artists’ Books in Australia », La Trobe Journal, n° 95, 2015, State Library of Victoria. p. 42.
2. Aujourd’hui : l’Australian Experimental Art Foundation.
3. J. Buckley, M. Rogers, K. Rubbo et N. Sheridan (eds), Artists’ Books/Bookworks, Institute of Modern Art ; Ewing and George Paton Galleries ; Experimental Art Foundation, 1978, p. 44.
4. G. Catalano, The Bandaged Image: A Study of Australian Artists’ Books, Hale & Iremonger, 1983.
5. K. Campbell et K. Moline, « IN PRINT. Vol.1. Artists’ Books », The Power Gallery of Contemporary Art, The University of Sydney, 1987.
6. Aujourd’hui : le Museum of Contemporary Art Australia.
7. Aujourd’hui : l’Australian National University.
8. Bibliothécaire principal et coordinateur de l’Australian Library of Art à la State Library de Queensland.
9. H. Cole, “Public collections of artists’ books in Australia”, in « Creating and Collecting: Artists’ Books in Australia », loc. cit., p. 10.
10. Id.
11. Ibid., p. 12, 13.
12. Id.
13. Ibid., p. 17.
14. A. Selenitsch, Australian Artists Books, National Gallery of Australia, 2008.
15. Voir le catalogue de Peter Anderson : The Artist’s Books of Robert Jacks, publié en 2009 par la Bendigo Art Gallery.
16. « Le terme Down Under (“en bas, en dessous“) est une expression anglo-saxonne utilisée pour désigner l'Australie et/ou la Nouvelle-Zélande. L'origine de ce terme vient du fait que ces pays se trouvent dans l'hémisphère Sud, “en dessous“ de la plupart des autres pays du monde ». N.d.t., source : Wikipédia, consulté le 14/11/15.

 

 

 

 

 


 


 

 


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