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CLAUDE RUTAULT
Du 16 septembre au 2 novembre 2010

Dans le cadre des deux journées d'études consacrées à la peinture qui se tiendront à l'université Rennes 2 les 16 et 17 septembre:
Première journée: "Recouvrement"
Seconde journée: "Reprise"

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. Galerie de photos "claude rutault"

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"MOCATANOLOGUE" ou de l'USAGE DU MARQUE-PAGE DANS QUELQUES PUBLICATIONS DE CLAUDE RUTAULT
Par Marie-Hélène Breuil

Depuis le début des années 1990, les écrits de Claude Rutault se détachent de la fonction programmatique et/ou analytique des « définitions/méthodes (1)  » au profit d’une écriture narrative.
Certains livres ont été publiés avec Les Presses du réel : mes peintures ont la vie courte mais elles ont plusieurs vies en 1994, ou avec le Mamco à Genève : camotanologue en 1999, d’autres écrits sont parus aux éditions Jannink : marie-louise en 1993, ou encore aux éditions des Cendres, éditeur littéraire : n° 1 bis le môme vers le gris, en 2003 et suites, en 2004. Dans la plupart d’entre-eux sont insérés des marque-pages, de forme et de contenu variés. La lecture à partir d’une page marquée permet d’insister sur le caractère morcelé de l’écriture. Ces bouts de roman, d’essai, de biographie révèlent des préoccupations essentielles à la peinture : l’attente, la promenade, le paysage, ce qui est à voir, ce qu’on ne voit peut-être pas, la lumière et l’obscurité, la vie et la mort ; ou encore la description du travail : l’actualisation, l’exposition et les situations sociales qui en résultent. Ces courts textes peuvent s’ajouter les uns aux autres, se croiser ou être indépendants.

camotanologue, ou« mocatanologue », selon que l’on privilégie le catalogue ou le monologue de ce mot-valise, est un livre-exposition. La présentation en quatrième de couverture nous apprend que le livre, et/ou le texte, a pour fonction :
[d’]accompagner l’exposition qu’il décrit - à condition qu’elle soit réalisée quelque part. mais on peut également conclure de sa lecture que ce texte est l’unique lieu de la manifestation dont il nous entretient. en sorte qu’il serait l’exposition même. et que du même coup de théâtre, son statut serait moins littéraire qu’artistique…

Dans son projet d’une « reliure solide, pas de couverture, une jaquette transparente couvrante. le texte commence sur la première page et finit sur le dos de couverture » plus que dans sa réalisation finale où le graphiste réintroduit une couverture, camotanologue est un livre d’artiste. Il y a une adéquation entre le sens et la forme, jusque dans l’hésitation. Est-ce une description ou une fiction ?
camotanologue est publié en 1999, au moment où le travail sur l’édition intégrale des définitions/méthodes (2) est engagé. En lisant ce texte, ou peut-être plutôt ces textes, on a l’impression de pouvoir saisir le propos de la définition/méthode actualisée dans l’exposition qui nous est partiellement décrite et autour de (ou plutôt dans) laquelle le récit se concentre. Mais on s’aperçoit aussi que le texte de ce livre se cite lui-même et se paraphrase, ce qui incite à le lire et à le comprendre comme ce texte même qui y est mentionné et qui nous apprend que : « texte et peinture sont en conflit. le texte est dans le bureau, la peinture dans la salle. […] le visiteur du texte et le lecteur de l’exposition ne font qu’un (3). » Car s’il faut continuer la peinture peut-être faut-il aussi continuer l’écriture de textes à partir desquels la peinture peut avoir lieu. Le livre, d’abord présenté comme un catalogue, verse dans le monologue comme le suggère le titre donné au « marque page » qui l’accompagne et annonce sa présentation le 8 juillet 1999 à la librairie Archives à Paris : « mocatanologue ».
En tant que bout de papier à glisser dans l’ouvrage pour signaler une page, le marque-page, où qu’il soit positionné, signale aussi un bout de texte. Éphéméra par excellence, il est facilement égaré, peu ou pas utilisé, peu regardé et donc peu étudié. Dans les ouvrages de Claude Rutault, le marque-page entretient cette idée d’une continuité de la peinture et de l’écriture et d’une continuité de l’écriture à la peinture.

Le catalogue la peinture photographe (4) contient un marque-page qui, au recto, porte les informations relatives à l’exposition, titre, adresse et dates. Il a une fonction d’annonce – ce pourrait être un flyer ou une invitation –  mais avant tout c’est un guide visuel : au verso est représenté le plan de l’exposition. En ayant le livre et ce plan d’exposition sous les yeux, on est frappé par la similitude formelle entre le profil de la Colonne sans fin de Constantin Brancusi, dont une photographie de l’atelier est reproduite en couverture du catalogue, le schéma des toiles mobiles, dont le tracé vient en superposition sur la photographie, et le positionnement de ces mêmes toiles mobiles dans l’exposition dont le tracé au sol est identique à ce même profil. Mais plus encore, en posant le livre debout et en dépliant les feuillets à l’extérieur desquels sont reproduites des photographies d’astronautes dans l’espace et à l’intérieur desquels sont des photographies par Hans Bellmer de La poupée, on reconstitue ce « cabinet de photographies » qui nous est signalé sur le plan de l’exposition : des doubles toiles mobiles sur lesquelles sont accrochées les photographies d’un côté et de l’autre. Dans cette actualisation la peinture devient support à la photographie, support à l’image que l’on croit souvent définitivement écartée de l’œuvre de Claude Rutault.
Le marque-page nous indique un possible usage du livre, à savoir une véritable évocation de l’exposition dont il rend compte.

Le premier « marque page » réalisé par Claude Rutault est une carte postale pour le catalogue des expositions au musée de Grenoble, au Centre Georges Pompidou et au Consortium à Dijon en 1992. Il va sans dire que l’écriture du mot sans tiret, et ce de façon insistante sur tous ces bouts de papiers illustrés ou non que sont les marque-pages, insiste sur la fonction plus que sur l’objet lui-même dont le format usuel est rarement respecté. La photographie du recto, une pile d’une quinzaine de volumes posés à plat de la collection « Série noire » de la nrf, montre une actualisation de la d/m 108 bis, série noire, une définition/méthode qui introduit une ambiguïté entre le livre et la peinture.
nº I bis le môme vers le gris, dont le titre est une reprise du premier volume de la Série noire La Môme Vert-de-gris de Peter Cheney paru en 1945, contient un feuillet de papier calque mobile dont on apprend assez vite à la lecture du livre l’usage :
prendre le calque marque-page, le positionner dans le sens indiqué et tracer un rectangle dans la partie inférieure […]
à chacun d’adapter le plan à l’espace qu’il aura choisi pour installer l’œuvre. l’échelle et les dimensions ne sont pas fixes. le fin quadrillage de la feuille facilite la traduction visuelle du texte.
allers et retours incessants du texte au plan (5).

Le marque-page nous aide à passer du texte au dessin, du programme à sa réalisation. Il nous permet de penser la prise en charge et l’actualisation comme le fait l’artiste : en effet alors que nous traçons ce schéma d’une promenade, d/m 264, nous approchons du mode de conception et du type de tracé qui est le sien et que nous connaissons par ses carnets de travail : le quadrillage de l’espace à partir duquel est réfléchi le positionnement des éléments au sol ou au mur.
La description se fait plus précise, spécifique. Le lecteur est averti : tout de suite excusé par la mention « paragraphes que l’on peut sauter » mais aussi tenté par cette « lecture lente et attentive, marquant des pauses fréquentes et de nombreux retours sur certaines phrases ou fin de phrases pour vérifier l’enchaînement de la notation, suivant au plus près la ponctuation (6)  ». Le passage, au tout début du livre, qui concerne la fonction du feuillet de papier calque « décrit avec précision sur plusieurs pages un dispositif de toiles posées à plat sur des tréteaux » :
une des entrées possibles en bas à droite de la feuille, a9 et a10. on pénètre entre, à droite, le mur et, à gauche, une toile ovale qui occupe tout a8 et la moitié de b8. elle est tangente en même temps que perpendiculaire au mur situé à gauche de l’entrée. comme toutes les autres la toile est posée sur deux tréteaux qui ne débordent pas son contour. les toiles ne sont pas à la même hauteur mais il y a peu de différence entre elles (7).

Deux descriptions s’entremêlent, celle de la promenade dans sa première configuration d’exposition et celle du tracé en plan de cette même promenade sur un des carnets de travail de l’artiste, descriptions qui visent à la fois à nous faire refaire ce tracé par report des informations sur un quadrillage, que nous aurons pris soin de dessiner sur le marque-page de papier calque, et à nous faire cheminer.

Lors de la parution de définitions/méthodes le livre, Claude Rutault affirmait ne pas vouloir écrire d’autres d/m. Pourtant nous trouvons des propositions qui ressemblent fortement à de nouvelles définitions/méthodes, ou plutôt à ce qu’il appelle dorénavant « dm » ou encore « dé‑finition/méthode », une entité pour laquelle il n’est plus nécessaire d’indiquer la définition et/ou la méthode. La peinture y est considérée sans égard des classifications, genres ou périodes. Ainsi cette composition à partir de deux tableaux, Adam et Ève au paradis de Lucas Cranach (l’Ancien) et Adam et Ève de Paul Gauguin, publiée en 2007 :
peintures
le paradis s’éloigne chaque jour un peu plus. à peu près à la même époque, celle du tableau triomphant, à quelques milliers de kilomètres l’un de l’autre, cranach et gauguin peignent presque le même tableau. serait-il si vulgaire irrespectueux exagéré de soumettre cet assemblage au jeu des… erreurs ?
            quelques minutes après l’avoir terminé, le croquis me semble déjà devoir être corrigé. placer la toile la plus à droite plus près du gauguin, accentuer l’ambiguïté, je promets d’y réfléchir, d’où venons-nous (8)

(1) ou « d/m » : énoncé écrit à partir duquel l’œuvre peut être réalisée.
(2) définitions/méthodes le livre, Paris, productions Flammarion 4, 2000.
(3) camotanologue, Genève, Mamco, 1999, p. 39.
(4) la peinture photographe, Art & Public,  Genève, 17 mai – 30 juin 2001.
(5) nº I bis le môme vers le gris, Paris, éditions des Cendres, 2003, p. 1518.
(6) Ibid., p. 1516.
(7) Ibid., début de la description des pages 1518-1521.
(8) Correspondances – Claude Rutault / Georges Seurat, musée d’Orsay, Paris, 19 juin ‑ 9 sept. 2007, p. 22-23.

 

 

 















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